Le lapin, la peur et l’anxiété
[vc_row][vc_column][vc_column_text]Mieux comprendre son lapin et ses réactions face à la peur, le stress ou l’anxiété
L’homme effrayé commence par se figer comme une statue, immobile et sans respirer, ou s’accroupit comme instinctivement pour échapper au regard d’autrui. Le cœur bat violemment, et palpite ou bat contre les côtes… Les poils sur la peau se dressent ; et les muscles superficiels frissonnent. Du fait du changement de rythme cardiaque, la respiration est accélérée… La bouche devient sèche, est souvent ouverte et fermée.
Charles Darwin, L’Expression des émotions chez l’homme et les animaux.
Vous trouvez que votre lapin n’est pas très courageux ? C’est bien normal !
Bien que le lapin domestique soit bien moins peureux que son cousin sauvage, nous allons vous expliquer pourquoi il n’en reste pas moins un petit animal trouillard. En comprenant ses réactions face à la peur, nous pouvons améliorer nos rapports interspécifiques. Il s’agira aussi pour nous de vous démontrer le lien « naturel » qu’il existe entre agressivité et peur.
Ce qu’on sait sur le fonctionnement cérébral de la peur et l’impact de la domestication
- Les lapins sauvages ont une proportion cerveau/corps plus importante que les lapins domestiques.
- Les lapins domestiques ont une amygdale réduite et un plus grand cortex préfrontal médian.
- Réduction généralisée de la substance blanche chez les lapins domestiques.
L’amygdale gère la sensation de peur, le cortex préfrontal médian, lui, va contrôler la réaction à la peur. On peut donc en déduire que le lapin domestique a une sensation de peur amoindrie grâce à une amygdale réduite et lorsque cette sensation de peur apparaît, il est plus apte à la gérer que son cousin sauvage, grâce à son cortex préfrontal plus développé.
La réduction de la substance blanche va elle aussi intervenir dans ce phénomène. Moins de substance blanche équivaut à moins d’influx nerveux, donc à une réactivité amoindrie.
« Les lapins domestiques ont un traitement de l’information compromis, ce qui explique peut-être pourquoi ils réagissent plus lentement et sont plus flegmatiques que leurs congénères sauvages » Mats Fredrikson, professeur à l’université d’Uppsala
Voilà pourquoi votre petit lapin de compagnie domestique sera toujours, et quoi qu’il arrive, moins réactif que sa version sauvage.
La domestication est donc capable de changer jusqu’à l’architecture du cerveau, réduisant la manière dont il réagit aux émotions, compromettant ses réactions. La sélection naturelle (induite par l’homme) est en œuvre dans ce phénomène, sélectionnant des caractéristiques en adéquation avec les conditions de vie proposées et avec les attentes des humains.
Le gène codant la faculté à « se tailler en courant » de votre lapin est de moins en moins sélectionné.
Un lapin peut-il mourir de peur ?
Malheureusement la réponse est oui.
En cas de stress, l’organisme du lapin va libérer des athécholamines (hormones). Avec cette décharge forte et soudaine d’hormones, il peut y avoir une tachycardie brutale (très forte accélération du rythme cardiaque, parfois irrégulière) qui peut aller jusqu’au décès.
La mémoire émotionnelle de la peur – la mémoire traumatique
La peur est un conditionnement, au-delà d’être un réflexe naturel. Ce type de conditionnement peut être extrêmement rapide ; il suffit parfois d’une seule expérience négative pour que le cerveau fasse l’association entre une situation et un réflexe de peur.
Voilà pourquoi, par exemple, si lors d’un coupage de griffes vous faites accidentellement mal à votre lapin, il se pourrait qu’il ait « automatiquement » peur dès la prochaine séance de soins ; il anticipera sa « douleur » et donc sa peur. Heureusement pour vous, ce conditionnement marche également dans l’autre sens. On parle alors de phénomène « d’extinction ».
Si après cette « mauvaise » séance de soins, plusieurs séances se passent bien et sans accidents, la réaction ira en diminuant : le cerveau semble contrôler la réaction de peur, mais, attention, la mémoire émotionnelle ne disparaît pas pour autant.
Ainsi, une réaction de peur conditionnée apparemment éteinte réapparaît parfois spontanément ou peut être réactivée par une expérience stressante sans rapport avec les stimuli du conditionnement.
Voilà pourquoi il est de notre rôle d’éviter au maximum les expériences traumatisantes à nos animaux ; car, dans le fond, bien que ce qui a été fait puisse être défait, cela ne peut être définitivement effacé.
Les signes du stress/peur chez le lapin
Le langage corporel de votre lapin est très important pour le comprendre. Mais sachez que bien que le lapin soit un animal peu bruyant, il n’est pas aphone pour autant et sait se faire entendre. Ces signes sont à placer dans un contexte, afin d’être correctement interprétés, plusieurs sont à sens multiples.
- La queue basse : comme chez beaucoup d’animaux, la queue basse est signe qu’ils sont inquiets, pas à l’aise dans la situation dans laquelle ils sont.
- Les cris : un lapin qui hurle a très peur. En hurlant, il informe ses congénères de l’imminence d’un danger qu’il considère comme mortel.
- La crise de panique : votre lapin se met à courir, terrifié, dans toutes les directions, sans savoir vraiment où il va ; cette situation de stress intense est dangereuse car elle peut aboutir à un arrêt cardiaque lié à 2 phénomènes qui se cumulent : les hormones du stress et l’effort physique, les deux induisant une forte augmentation du rythme cardiaque.
- Grognements et comportements agressifs : un animal stressé, angoissé ou dans une situation de peur intense pourra se montrer agressif. Sa réaction sera alors rapide et violente et cessera immédiatement dès que le stimulus s’arrêtera. Voilà pourquoi, entre autres, votre lapin apeuré pourra « choisir » de vous mordre ou de vous griffer (ou les deux pour les plus réactifs).
Il est donc très important de comprendre pourquoi un animal montre des signes d’agressivité, la réponse pouvant parfaitement être : parce qu’il a peur. Dans ce cas, à vous de trouver ce qui a causé cette situation et de rectifier le tir. - Taper des pattes arrière : l’une des interprétations possibles de ce comportement est le stress. Le lapin avertit son entourage que quelque chose dans son environnement l’inquiète. A l’état sauvage, ce son se propage dans la garenne et avertit les autres lapins d’un danger possible et les met en alerte.
- Yeux exorbités : derrière l’œil du lapin, il existe une poche de sang appelée sinus veineux, qui, lorsque l’animal a peur, se remplit subitement de sang, ce qui pousse les globes oculaires vers l’extérieur. Le lapin se retrouve alors avec de gros yeux.
- Respiration très rapide : signe d’une accélération du rythme cardiaque.
- Conduites dissociantes : auto-mutilation, TOC…
- Oreilles plaquées : signe d’agressivité ou de peur. Cependant, ces deux comportements sont relativement indissociables puisque l’agressivité est, bien souvent, une réponse à la peur.
Les réactions face à la peur
Face à une situation dangereuse, nous sommes tous programmés pour déclencher immédiatement une réaction émotionnelle de survie, automatique et non consciente. Cette réaction est commandée par une petite structure cérébrale sous-corticale, appelée amygdale cérébrale parce qu’elle a la forme d’une amande (Ledoux 1997).
Cette réaction émotionnelle sert de système d’alarme, elle prépare à fournir un effort exceptionnel pour échapper au danger soit en lui faisant face, soit en l’évitant, ou encore en le fuyant. Pour ce faire, l’amygdale cérébrale commande la sécrétion d’hormones du stress : l’adrénaline et le cortisol. Ces hormones permettent de mobiliser une grande quantité d’énergie. Le cœur se contracte plus fort et bat plus vite, le débit sanguin augmente, la fréquence respiratoire s’accélère, un état d’hypervigilance se déclenche ; le mode « survie » est enclenché !
Il existe 4 réactions possibles chez un animal qui est confronté à la peur :
- La fuite
- La menace
- L’agression
- L’immobilisation
Le choix se fera en fonction du contexte. Par exemple : si votre lapin est dans vos bras, ou dans une cage, il ne pourra fuir, il adoptera donc une des 3 autres possibilités.
S’il ne peut pas fuir et que sa distance critique (distance tolérée face à une menace), n’est pas respectée, il y aura un risque d’agression pour se défendre, précédé de la menace qui, elle, sert à vous prévenir. Si votre lapin est habitué à ce que vous ne respectiez pas ses menaces, il passera probablement directement à l’étape agression.
Souvent, l’agressivité d’un lapin en cage est interprétée comme de la territorialité, alors qu’il peut tout à fait s’agir d’une réponse à la peur liée à l’absence de possibilité de fuite. Imaginez une grosse main entrant inopinément dans votre espace vital pour vous saisir et toucher « vos affaires », alors que vous êtes confiné !
Sidération mentale ou comment penser que mon lapin n’a pas peur alors qu’il est terrifié
La sidération mentale est un état de stupeur émotive dans lequel le sujet, figé, inerte, donne l’impression « d’être ailleurs » ou d’un aspect catatonique par son importante rigidité/immobilité (on pourrait les croire changés en statues), voire pseudo-parkinsonien du fait des tremblements associés. Cela agit comme un arrêt du temps qui fige l’animal (ou l’animal humain) dans une blessure psychologique traumatique, au point que les émotions semblent pratiquement absentes.
La sidération est un blocage total qui protège de la souffrance (physique ou mentale) en s’en distanciant. Ce mécanisme est mis en place par le cerveau pour échapper à un risque vital intrinsèque cardiovasculaire et neurologique induit par une réponse émotionnelle non contrôlée. Cela se produit quand la situation stressante ne va pas pouvoir être intégrée par le cortex, qui va alors « anesthésier » ses émotions.
Elle permet aux proies un renoncement lorsqu’elles sont dans les griffes d’un prédateur, une sorte d’acceptation mécanique de la mort, la rendant plus tolérable. Elle peut également être un facteur archaïque de survie, permettant un camouflage dans la nature.
Lorsque vous « poursuivez » longuement votre lapin, pour le rentrer par exemple, et qu’il finit par se figer : NON il n’a absolument pas compris qu’il devait rentrer, pas plus qu’il n’a renoncé à vous faire courir (il ne vous faisait pas courir pour « rigoler », ça n’a jamais été un projet, une proie court quand on la poursuit), il est en sidération mentale la plupart du temps. Le stress devient tel que l’animal est incapable d’apporter une réponse appropriée et l’organisme, pour se protéger, « disjoncte », sa seule parade pour éviter des lésions trop conséquentes.
Un plantage qui n’est pourtant pas sans conséquences !
Cet état, s’il est souvent répété, entraîne des lésions cérébrales/atteintes neurologiques graves et irréversibles ; on parle parfois même de lobectomie (jusqu’à 30% des neurones de certaines structures cérébrales peuvent être détruits ou lésés.).
Cela peut également amener à des conduites dissociantes : la disjonction spontanée ne pouvant plus se produire (phénomènes de tolérance et d’accoutumance aux drogues du cerveau), un mécanisme interne auto-acquis se met alors en place pour obtenir une disjonction provoquée, ce sont des troubles du comportement comme l’auto-mutilation, l’agressivité etc…
Le mécanisme :
- Stimulus persistant ou répété déclenchant la peur.
- Atteinte d’un niveau de détresse dangereux du fait de la quantité croissante d’hormones du stress (adrénaline et cortisol) déversées dans l’organisme. A haute dose, ces hormones deviennent toxiques pour l’organisme. L’excès d’adrénaline peut provoquer un infarctus du myocarde et une mort subite. Et l’excès de cortisol est neurotoxique, il peut être à l’origine de souffrances neuronales.
- Disjonction : face à ce risque vital cardiovasculaire et neurologique le cerveau disjoncte et « interrompt » le circuit émotionnel en secrétant en urgence des neurotransmetteurs (endorphines) et des substances qui sont assimilables à des drogues dures (comme la morphine et la kétamine, cocktail antidouleur). Cette disjonction interrompt brutalement les connexions entre l’amygdale et les autres structures du cerveau pour protéger l’organisme.
Impuissance acquise ou illusion d’éducation
L’impuissance acquise/apprise peut-être perçue comme un conditionnement à tolérer la douleur, quelle soit physique ou mentale.
Le psychologue Marc Vachon estime que ce phénomène repose sur 3 caractéristiques :
- Le sentiment que la situation est permanente :
- Votre lapin vit enfermé 24/24
- Il vit dans un environnement stressant
- Le sentiment d’être victime en disant « Ce n’est pas ma faute ! Je n’y peux rien. », cette caractéristique ne concerne, a priori, que l’animal humain.
- Le sentiment d’envahissement :
- Quand vous manipulez votre lapin, vous le contraignez physiquement, il ne peut pas se débattre, ni fuir… (technique du « nem » pour couper les griffes)
- Il ne peut se soustraire physiquement ni mentalement à l’une de vos demandes. (De nombreuses méthodes d’éducation reposent sur ces techniques, consciemment ou non)
Nous savons aujourd’hui, que face à de petits ou de gros chocs émotionnels répétés, un animal finit par s’installer dans l’apathie et la résignation. Malheureusement pour les animaux, ces comportements sont souvent interprétés par les humains comme des signes d’acceptation ou de compréhension de l’exercice.
En 1975, Seligman définira 3 conséquences principales à cette situation expérimentale d’incontrôle : (conséquences valables pour l’homme et les autres animaux)
- Une difficulté progressive à faire le lien entre les actions posées et leurs conséquences : « ce que je fais n’a pas d’effet sur mon environnement ou les situations dans lesquelles je me trouve »
- Une baisse de motivation : « je n’émets plus de comportements puisque cela ne sert à rien »
- Une augmentation des risques de dépression (sentiment non réservé à l’homme).
Cette impuissance acquise est celle qui fait que les animaux sauvages finissent par renoncer à s’enfuir, même si la porte reste ouverte. Pour ces animaux, le mal étant devenu incontrôlable, ils se sont résignés à souffrir.
Exemple
Vous voulez couper les griffes de votre lapin.
Vous le posez sur le canapé, lui demandez de ne pas bouger. Immédiatement, il bouge, vous l’immobilisez vivement verbalement ou physiquement (ou les deux). Vous recommencez, il reste immobile quelques secondes, recommence à bouger, et là rebelote, « punition » physique, par immobilisation contrainte ou verbale. Assez rapidement, et vous en serez certainement satisfait, votre lapin ne bougera plus. Et, victorieux, vous direz à qui veut l’entendre : « t’as vu comme il est sage mon lapin, il ne bouge pas, je l’ai bien éduqué ! » Le lapin n’est pas de votre avis !
A-t-il compris que vous ne vouliez pas qu’il bouge ? Il est très probable que non. Ne trouvant pas la réponse adéquate à votre demande (qui parfois pour lui n’en est même pas une, il subit dès le début une situation obscure), il finit par renoncer à toute tentative d’y répondre. Il ne bouge plus, résigné, car on ne lui laisse pas le choix, et non pas car il est éduqué ou qu’il a « compris ».
Voilà à quoi conduit la punition positive. En punissant le mauvais comportement, vous induisez l’impuissance chez votre animal, il n’est plus maître de sa vie, de ses choix, de ses réactions.
En renforçant les bons comportements, vous apprenez à votre animal à vous proposer plusieurs réponses jusqu’à trouver la réponse appropriée qui lui permettra d’obtenir ce qu’il souhaite/aime : une grattouille, une friandise, un jeu, un simple contact social… C’est pour cela, qu’il est préférable pour la motivation de l’animal et pour votre relation avec lui, d’utiliser le renforcement positif et la punition négative (ignorance du comportement inadéquat).
Vous voulez apprendre à votre lapin à rester immobile ? Apprenez-lui que ce comportement est positif pour lui.
En le félicitant dès les 1ères secondes d’immobilité, et systématiquement, il finira par comprendre « tout seul » que c’est ce que vous attendez, et que s’il reproduit ce comportement il en retirera quelque chose.
Votre lapin ne mettra pas longtemps à avoir la certitude que :
- Vous + coupe-griffe = immobilité
- Immobilité = récompense
- Certains iront jusqu’à se positionner seuls, immobiles, là où la séance doit avoir lieu, anticipant la récompense possible, au lieu d’anticiper la peur, quelle victoire !
Et là vous pourrez fièrement dire à tout le monde que votre petit poilu est bien éduqué ! Voire très bien éduqué ! (Et surtout bien dans ses petites pattes !)
Sciences et Avenir nous explique pourquoi un lapin peut mourir de peur.
SecureBunny et autres aides
Afin d’aider votre lapin à gérer sa peur, son stress ou son anxiété, nous vous recommandons de vous aider de la phéromone apaisante maternelle du bloc diffuseur SecureBunny.
Des compléments alimentaires à base de CBD peuvent également aider votre poilu à gérer ses angoisses.[/vc_column_text][/vc_column][/vc_row]